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 120 ème anniversaire d'AMBROISE CROIZAT ou l'invention sociale. – UNAM

120 ème anniversaire d'AMBROISE CROIZAT ou l'invention sociale. – UNAM

 28 JANVIER 2021 le journal L’HUMANITE publie un extrait du livre de 

 MICHEL ETIEVENT

« AMBROISE CROIZAT ou l’INVENTION SOCIALE »

« La France a eu beaucoup de ministres du travail, mais un seul ministre des travailleurs ! » C’est à quelques pas de ces mots prononcés par Marcel Paul en 1971 lors de l’inauguration de la stèle érigée en hommage au bâtisseur de la sécurité sociale, qu’Ambroise Croizat naît en Savoie un 28 janvier 1901. Comme peut naître alors un fils d’usine. En cette aurore de misère du 20ème siècle, il verra de sa fenêtre d’enfant s’agiter les ombres ouvrières qui brassent, dans la poussière, les fournaises des coulées. Celle du père, Antoine, manœuvre de peine, qui y marne au ringard 12 heures par jour pour 8 sous de l’heure, à peine le prix du pain. La protection sociale comme les congés ne sont encore qu’une lointaine utopie. On y pointe à reculons 7 jours sur 7, en attendant la « retraite des morts ». « Brûlés devant, glacés derrière, on meurt là à quarante ans ! », écrit un témoin d‘époque. Les accidents et les colères s’enchainent. Le 21 mars 1906, Ambroise verra  son père sortir de l’usine, drapeau rouge en main, escorté de 10 compagnons. Ils viennent d’être licenciés pour avoir osé créer le premier syndicat CGT de la vallée. Aussitôt une grève de solidarité émaillée d’émeutes s’étend dans toutes les usines alentour. Paniqué, le patron cède au bout de 9 jours et accepte toutes les revendications: le syndicat, une caisse de secours, 2 jours de congés payés, une hausse de salaire, mais… Antoine Croizat est muté. L’errance de la famille commence, Ugine, Grenoble, Lyon. Nuits des cités, révoltes de la dignité. 1914. Antoine est appelé aux boucheries des tranchées. Ambroise doit nourrir la famille. Il a 13 ans, s’embauche comme aide ajusteur et trois jours après dans une manifestation contre l’Union sacrée adhère à la CGT. « Bats toi, ne te laisse pas humilier !». Au gré des luttes, forcément les mots du père reviennent. A 17 ans, il anime déjà les grandes grèves de la métallurgie lyonnaise. « L’homme était un véritable orateur et surtout un rassembleur, constamment chassé par les patrons des entreprises où il travaillait » écrit Marcel Rivoire, un compagnon de luttes. 1920, il adhère au PCF et à la CGTU mène aux côtés de François Billoux, Maurice Thorez et Gabriel Péri les batailles anticolonialistes contre la guerre du Rif et de la Syrie. Il n’a que 27 ans, lorsqu’il est nommé secrétaire général de la fédération CGTU des métaux. Commence alors le chemin de celui que l’on appellera « le militant ambulant ». 

 « De 1928 à 1935, mon père fut constamment sur les routes, animant ici une grève, une occupation d’usine ailleurs… », se souvient Liliane, sa fille. C’est sur ce chemin qu’il trace en compagnie de Marcel Paul et Prosper Moquet, la bataille de l’unité populaire contre le fascisme qui portera le Front Populaire au pouvoir. Et il n’aura de cesse de le féconder sur le terrain comme à l’Assemblée Nationale. Elu député de Paris en 1936, il sera aux Accords Matignon pour forger les grands conquis sociaux du siècle : 40 heures, congés payés, loi sur les conventions collectives qui portera son nom. 1939, sa route s’ennuage. Suite au pacte de non-agression germano soviétique, il est arrêté par ceux qui vont bientôt serrer la main d’Hitler, engeôlé à la prison de la Santé, costume de bagnard et boulets aux pieds. Suit le calvaire de 17 prisons en France et la déportation vers le bagne d’Alger où il vivra, comme le

 

raconte Florimond Bonte dans « Le chemin de l’honneur », « le travail forcé, les humiliations et les simulacres d’exécution ». Libéré en février 1943, il est nommé par la CGT clandestine à l’Assemblée Consultative qui entoure le  général De Gaulle  au sein du premier gouvernement provisoire. De ces bancs  il donnera son premier discours à Radio Alger : « Notre peuple n’aura pas souffert pour rien, nous lui donnerons la dignité et la sécurité sociale ! ». C’est à cette tâche harassante qu’il va s’employer dès le 25 novembre 1945 lorsqu’il est nommé ministre du travail. Appuyé par un peuple mobilisé et le rapport de force de la Libération (29 % des voix au PCF, 5 millions d’adhérents à la CGT, un patronat souillé par sa collaboration),

1947. Haro sur l’invention sociale…

Sous la pression américaine et la remobilisation du patronat, les ministres communistes sont évincés du gouvernement le 5 mai 1947. Le lendemain Ambroise Croizat déclare aux ouvriers de St Denis : « Ma présence au ministère du Travail ne m’a jamais fait oublier mon origine et mon appartenance à la CGT. Je ne mériterais pas votre confiance si, par malheur, je m’étais laissé aller, au cours de mon activité gouvernementale, à oublier vos souffrances. Vos intérêts se confondent trop avec ceux de la Nation pour qu’un ministre communiste puisse les oublier ».

 

 il laissera au peuple ses plus belles conquêtes : retraites, sécurité sociale, médecine du travail, comités d’entreprises, prime prénatale, doublement des allocations familiales et du congé maternité, amélioration considérable du code du travail…Les rêves et les promesses du père pour une identité sociale enviée dans le monde entier. On comprend alors pourquoi ils furent 1 million à l’accompagner au Père Lachaise. Un enterrement à la Victor Hugo. « Œillets, couronnes de fleurs par milliers sur des kilomètres. Mineurs du Nord ou d’Alès, métallos de Citroën et de Renault, élus barrés d’écharpes, la France entière s’était donnée ici rendez-vous pour Ambroise…» écrit Jean Pierre Chabrol dans l’Humanité du 19 février 1951….

Michel ETIEVENT

 

Auteur « d’Ambroise Croizat ou l’invention sociale ». michel.etievent@wanadoo.fr

 

 

 

 

 

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